AVERTISSEMENT : si vous êtes du genre à privilégier les belles images et les belles musiques au plaisir de jeu, changez de site ! Viiite. Ici, apanage (peut-être...) de la quarantaine assumée et de l'expérience associée, seul compte le fun. Quand bien même l'emballage ne suit pas... Bien entendu, quand le mariage du fun, des belles images et des belles musiques est là, c'est tant mieux et nous ne manquerons pas de le souligner. Par ailleurs, les test de Gen68 sont constamment "en devenir". Le test du jeu ne paraît que lorsque je considère avoir quelque chose à en dire. Mais rien n'interdit de progresser dans son jugement, d'apercevoir des choses auparavant inaperçues, de trouver ultérieurement des erreurs grossières jusque là bien cachées et je ne sais quoi d'autre... Tous les articles seront par conséquent édités plusieurs fois. Ça aussi ce doit être l'apanage de la quarantaine !
L’apanage de la quarantaine n’est pas uniquement d’appréhender les faiblesses ou les qualités d’un jeu différemment d’un jeune blanc bec (!) C’est aussi de savoir repérer les bijoux qui passent inaperçus ou presque. Aujourd’hui, je teste pour vous le jeu de stratégie Montjoie!. Il s’agit de l’adaptation sur PC d’un jeu de plateau paru en 1998 et bien connu des aficionados des soirées arrosées autour de tables couvertes de pions. L’équipe qui a développé le jeu de plateau à compris qu’il n’était pas possible (ni pratique) au commun des mortels de réunir régulièrement des joueurs. Elle a donc pensé à en développer une version informatique, en tout point semblable. Elle a le mérite d’autoriser les joutes contre une intelligence artificielle de premier plan et dont votre serviteur fait constamment les frais (même s’il est vrai que je suis une lamentable quiche en stratégie, mais ce n’est pas faute de l’aimer la stratégie!). Le jeu est distribué par la très sympathique équipe
d’AGEOD. Cette dernière est
reconnue pour deux principales raisons: premièrement, elle est spécialisée en wargames de haut-vol. Deuxièmement, c’est une société qui pratique un art aujourd’hui disparu dans le milieu du jeu vidéo. Attention, ouvrez bien vos esgourdes…
AGEOD produit et distribue des jeux … finis ! Oui, oui vous avec bien lu. Des jeux qui fonctionnent sans patch et tout et tout. Les patchs périodiques ne sont là que pour améliorer le produit et y ajouter des fonctionnalités supplémentaires.
En quoi consiste Montjoie! ? Cette adaptation PC fonctionne en tout point de la même façon que l’original… sauf que vous buvez seul (hic)! Vous êtes face à un plateau de jeu représentant la France de la guerre de 100 ans. Elle est découpée en régions, elles-mêmes composées de villes reliées par des routes. On voit même sur le coté du plateau la pioche et la dépose des cartes déjà jouées! Votre but est simple. En tant que représentant d’une « nation » d’alors (on parlera de factions tellement elles sont petites), vous devez réunir le plus de régions possibles sous votre drapeau afin de gagner des points de prétendant justement destinés à prétendre à la souveraineté de ces territoires. Je ne parle sciemment pas de la France. Car s’il est logique que ce soit le petit royaume de France qui s’étende sur les régions, conformément au cours de l’histoire (sinon nous ne serions pas là), on peut tout à fait aller au rebours de cette dernière et jouer la victoire d’une autre faction. Les factions jouables sont la France, la Flandre, l’Angleterre, la Bretagne, la Navarre et la Bourgogne. La faction élue décidera subséquemment du niveau de jeu. Il est beaucoup plus facile de gagner avec la dotation initiale en terres du petit royaume de France qu’avec celle de la Navarre par exemple.
La ressemblance de Montjoie! PC avec Montjoie! plateau n’est pas seulement formelle. Le mécanisme du jeu est exactement le même. Au tout début, il vous est proposé de jouer des scénarii historiques, avec des règles propres légèrement différentes d’un scénario à l’autre, retraçant certains passages mémorables de la guerre de cent ans. Autre option, jouer en mode libre des variantes plus ou moins étendues du jeu de base. Pour ma part, j’ai basé ce test sur la version extrême du jeu qui est la plus complète. Elle démontre le mieux les caractéristiques du jeu car elle ajoute au jeu de base une phase de diplomatie ainsi qu’un simili mode « éliminateur » à la Burnout (!) où le dernier joueur de chaque tour est successivement éliminé.
Le jeu se joue par tours de jeu et chaque tour se décline en 10 phases consécutives. Une fois le tour terminé, toutes les phases recommencent dans le même ordre et ainsi de suite jusqu’à la fin du jeu au bout d’un nombre de tours prédéfini selon le scénario.
Une fois vos territoires initiaux établis (le jeu vous laisse une certaine flexibilité ) commence alors la succession des phases :
Phase 1 : levée d’impôt ou gain d’or. Chaque région détenue vous apporte de l’or en fonction des constructions que vous y aurez préalablement établies dans les tours précédents. Une simple garnison rapporte moins qu’un château qui lui-même rapporte moins qu’une forteresse. Châteaux et forteresses ne sont donc pas exclusivement construits à des fins défensives mais également à des fins pécuniaires. Gardez cela en tête car, encore une fois, Montjoie! est un bien fameux jeu de stratégie…
Phase 2 : diplomatie. Phase propre à la version extrême, elle permet soit d’acheter des votes auprès des autres factions, pour favoriser guerre ou paix dans la phase ultérieure de détermination du choix politique, soit d’inciter à l’attaque d’une ville en y posant une prime, soit enfin de proposer des alliances avec les autres factions, en proposant une prime qui ne sera touchée qu’en cas de respect de l’alliance, en fin de tour.
Phase 3 : détermination du choix politique. En d’autres termes, il faut y choisir la paix ou la guerre. C’est la majorité qui l’emporte d’où l’importance de pouvoir acheter des votes… En cas de paix, chaque faction ne reçoit que quatre cartes « de combats » et n’a droit qu’à une attaque contre les autres factions. En cas de guerre, le nombre de carte monte à 6 et le nombre d’attaques peut-être plus important en fonction d’autres critères.
Phase 4 : distributions des cartes. Chaque faction reçoit le nombre de cartes correspondant au choix politique majoritaire. Il n’est pas possible de décrire exhaustivement toutes les cartes du jeu dans le cadre de cet article mais retenez qu’elles sont de plusieurs sortes: cartes d’attaque ou de défenses, cartes spéciales qui permettent les coups fourrés et cartes d’influence qui permettent de se sortir des situations les plus tendues et que vous touchez en fonction de vos acquisitions territoriales et vos gains en or.
Phases 5 : achat de cartes et de construction. C’est ici qu’il faut utiliser le plus malicieusement la dotation en or dont vous disposez. Vous pouvez acheter des cartes pour compléter une dotation de base défaillante. Vous pouvez également transformer garnisons en châteaux et/ou châteaux en forteresses afin d’en augmenter la valeur défensive mais aussi, nous l’avons vu, les gains futurs.
Phase 6 : nouvel ordre des factions. Montjoie! est un jeu où l’ordre de jeu influe considérablement sur le cours des évènements. Il peut être intéressant d’être le premier à jouer pour bénéficier, par exemple, des événements aléatoires (cf. ci-dessous). Mais il peut aussi être profitable de jouer en dernier pour bénéficier de l’information sur les cartes restantes des autres factions (qui apparaît à l’écran) et jouer en conséquence. Cette phase permet de tirer l’ordre de jeu des factions de manière aléatoire, sachant que jamais une même faction ne commence deux tours de jeu consécutifs.
Phase 7 : événements aléatoires. Le jeu gère dix événements aléatoires en rapport avec l’époque pour favoriser le cas échéant la première faction du tour (exemple de la rétrocession ou de l’intervention du pape) ou, au contraire, pour pénaliser l’ensemble des joueurs (la peste!)
Phase 8 : allégeance des villes ennemies. Au début du jeu chaque faction « dispose » autour d’elle de plusieurs villes libres qu’elle peut rattacher gratuitement à sa faction, pourvu qu’elles soient reliées à vos villes par une route. C’est un moyen simple et pacifique de gagner du territoire. Attention, avec l’avancée du jeu les villes libres se font plus rares sauf quand le processus « éliminateur » se met en branle: toutes les garnisons, châteaux et forteresses des factions éliminées redeviennent libres.
Phase 9 : conquête des villes ennemies. C’est la phase majeure du jeu, mais pas forcément la plus stratégique. Ici, en fonction du choix politique et de certains autres critères, vous disposez d’un certain nombre d’attaques. Une fois une cible choisie, la manœuvre est toujours la même. Si vous êtes attaquant, vous choisissez deux cartes d’attaque. Si vous êtes défenseur, une seule. Car la deuxième est simulée par la valeur défensive de votre garnison, château ou forteresse attaquée. Dans les deux cas, vous pouvez y ajouter des cartes spéciales comme la carte « ingénieur » qui sape l’attaque ou la défense adverse. En confrontant la somme des cartes des deux cotés (points de base), on a une première idée du rapport de force. Mais c’est ici que le hasard joue son rôle. Chaque joueur tire un dé dont le tirage vient s’ajouter aux points de base. C’est celui qui a la somme cumulée la plus importante qui gagne, sauf que… vous pouvez, au dernier moment, jouer une carte qui va modifier la donne: un point d’influence, une carte « doigt de Dieu » qui multiplie par deux votre cumule de point etc. etc. Bref rien n’est joué jusqu’à la fin. Si vous avec perdu la bataille, vos cartes jouées sont gaspillées sauf à jouer une carte « retrait ». Attention donc aux attaques à venir des autres factions. Si vous avez gagné, vous récupérez vos cartes, qui ne peuvent cependant plus être jouées qu’en défense. Subtil n’est-ce pas? Et encore, je passe les cartes ambassadeurs et écorcheurs, qui mériteraient un article à elles toutes seules!
Phase 10 : gain de points de prétendant. Une fois toutes les escarmouches et autres batailles jouées, chaque faction se retrouve avec un certain nombre de régions complètes (C’est à dire dont on dispose de toutes les villes qui la composent). L’ordinateur fait le décompte de ces régions, tient compte des régions bonus (certaines régions comme Paris ou Calais sont historiquement de première importance et ceux qui les possèdent peuvent toucher de 1 à 2 points de prétendant supplémentaires pour la région) et cumule vos points de prétendant pour le tour avec les points précédents.
Cette dernière phase complétée, on revient à la première (impôt et gain d’or) dont le calcul se fait en tenant compte de la nouvelle donne en régions, garnisons, châteaux et forteresses. Et les phases se poursuivent à nouveaux… etc. etc. A la fin d’un nombre de tours prédéfinis (10 dans la variante extrême) c’est le dépositaire du plus grand nombre de points de prétendants qui gagne.
Tout dans le jeu est fait pour que le joueur sache constamment où il en est par rapport aux autres factions. L’interface, calquée sans doute sur le plateau du jeu, est un exemple de clarté. On prend plaisir à découvrir progressivement comment utiliser telle ou telle information de l’interface pour arriver à vaincre (j’ai mis un certain temps hum… pour comprendre l’importance de l’indication du nombre de cartes de chaque faction par exemple). Plusieurs vitesses de jeu vous sont proposées également. Les débutants pourront mettre sur lent le temps de comprendre comment jouent les autres factions, avant de passer en rapide quand ils auront compris les arcanes du jeu et que c’est à l’ordinateur de jouer.
Mais là où l’effort est vraiment louable, c’est que les concepteurs ont ajouté à tout cela une aide en ligne contextuelle performante. Mais aussi une véritable base de données historiques, extrêmement complète, qui recense tous les évènements et personnages du jeu. On a même droit à une frise chronologique qui matérialise le contexte historique de chaque scénario. Du grand art ! Bref, Montjoie! est non seulement un jeu vraiment profond, fun et addictif mais aussi une véritable leçon d’histoire pour qui fouillera un peu la base de données. Montjoie! est-il au jeu vidéo ce que les « Rois maudits » sont à la littérature ? Disons que le parallèle n’est pas complètement absurde…
Car il y a tout de même un « mais »… Vous souvenez-vous qu’AGEOD, qui distribue le jeu, se fait un point d’honneur de ne distribuer que des produits finis ? Je vous rassure c’est amplement le cas en ce qui concerne Montjoie!. On peut noter quelques petits bugs de temps à autre mais rien que de normal et surtout rien de rédhibitoire. Certains sur les forums spécialisés, se sont fait un plaisir d’en dénicher tous les problèmes mais en ce qui me concerne, les seuls auxquels j’ai été confronté ont eu lieu en multijoueurs. Car il y a un excellent multijoueurs sur Montjoie! qui fonctionne très bien. Pas la peine de s’étendre. Il faut juste trouver des partenaires et ça n’a rien de simple compte tenu de la petitesse de la communauté.
Le problème n’est pas là. Il résiderait plutôt dans le fait que l’équipe qui développe le jeu est… amateur! Et oui cela peut sembler incroyable lorsque l’on voit la qualité du produit mais Pascal Bernard, game designer du petit studio
Tchounga Games à l’origine de Montjoie!, ne travaille qu’avec un graphiste et un programmeur. C’est ce qui explique les difficultés du studio à suivre Montjoie! comme le ferait un grand studio professionnel. Néanmoins, ce type de structure réduite compense un suivi à la fréquence aléatoire par un produit entièrement fonctionnel à sa sortie ce qui, encore une fois, devient rare. Sachant que l’équipe travaille dors et déjà sur une version PC de la suite de Montjoie!, Renaissance (dont le titre dit l’essentiel à lui tout seul) on peut espérer que les ajouts de cette nouvelle version du moteur seront transposés sous forme de patchs additifs (et non correctifs) à Montjoie ! Toujours est-il que Montjoie! est un produit fini, parfaitement jouable, fruit du travail d’une équipe de passionnés et dont le suivi est assuré par ces même passionnés. Et ça, ça mérite le plus grand respect!
Les plus : - Jeu de statégie profonde.
- Interface vraiment très propre.
- Musique bien choisies.
- Très instructif.
- Se joue en une heure ou deux.
- Pas besoin d'adversaires vu la qualité de l'IA.
- Il y a quand même un mutlijoueurs au cas où...
- Peu de bugs, enfin beaucoup moins que la grande majorité des jeux.
- Il y a une démo ici.
Les moins :
- Peu de joueurs pour le multijoueurs.
- Uniquement téléchargeable ici.
- bof... autre chose? Je crois pas!
La note Gén68 (Pouët Pouëëëët... ) : 9/10Si cet article vous a plu ou vous a apporté quelque chose, ou au contraire si vous ne l'avez pas apprécié et que son contenu puisse être complété, merci de laisser un commentaire. C'est par l'intermédiaire de vos interventions que ce blog s'améliorera.